24 févr. 2021

Besoins d’info #1 : Faire le point en quelques minutes sur l’actu du jour

Besoins d’info #1 : Faire le point en quelques minutes sur l’actu du jour

Pourquoi pense-t-on si peu à l'immense majorité des internautes qui a peu de temps disponible pour s'informer ?



Cet article fait partie de la série : « 5 besoins auxquels les médias en ligne pourraient mieux répondre ».


Pourquoi c’est important

« Tiens, qu’est-ce qui se passe dans l’actu en ce moment ? » : conscient ou pas, voilà sans doute un des réflexes les plus répandus qui nous amène vers l’info en ligne. Un besoin individuel de mieux comprendre le monde qui nous entoure, qui nous permet aussi de faire société, de nous raccrocher au récit commun qu’est « l’actualité ». Il faut bien occuper les conversations entre amis ou autour de la machine à café.

Dans la pratique, certains ouvriront donc Google News ou Twitter, tandis que d’autres se dirigeront directement vers leur site ou application d’information favorite. Dans tous les cas, ce qui importe ici est avant tout la hiérarchie éditoriale. La plupart des gens vont alors scanner cette hiérarchie — qu’elle soit éditorialisée ou algorithmique — pour avoir un aperçu d’ensemble de « ce qui fait l’actualité » à cet instant T.

Soit. Mais on s’aperçoit rapidement que ces hiérarchies de l’info sont souvent hasardeuses en version numérique. Là où les journaux papier ou les JT permettaient une grande clarté de message, celle-ci semble s’être perdue dans le vacarme du web. Les réseaux sociaux donnent par définition un aperçu subjectif et déformé par le prisme des goûts personnels et des choix algorithmiques. De leur côté, les homepages des médias sont souvent structurées de façon complexe (voire confuse), et ne mettent pas forcément bien en relief les informations les plus importantes du jour. Il n’est pas rare que les rédactions privilégient les actualités les plus « chaudes », la faute à l’accélération constante du temps médiatique. Mais il est aussi fréquent — et c’est la grande mode du moment — qu’elles promeuvent leurs « meilleurs » articles  (ceux qui ont coûté cher à produire), ou ceux qui sont les plus susceptibles de générer de l’audience et des abonnés.

Résultat : il est devenu assez difficile de trouver un aperçu rapide et éditorialisé de l’actualité du moment sur le web. Au-delà de produire des articles de grande qualité sur de nombreux sujets, on semble avoir perdu de vue l’art crucial de la synthèse et de la mise en perspective. Car la rapidité a beaucoup a voir là-dedans : on sait que le temps d’attention disponible de la plupart des citoyens et des internautes a considérablement diminué en quelques décennies.

La structure et les habitudes des médias en ligne pose aussi question, notamment le réflexe classique des rédactions est de produire un nouvel article (ou une vidéo) dès qu’une info en vaut la peine. La culture de la synthèse, du récap, du « news briefing », semble être snobé par les médias en ligne, comme s’il était associée à la pratique démodée du JT ou du journal radio. Pourtant, on sait bien que les frontières de genres et de formats sont aujourd’hui complètement rabattus par Internet : la presse écrite fait de la vidéo, de l’audio, et inversement. D’où vient donc cette timidité ?

De la même façon, les unes des sites média ne sont pas vraiment conçues pour délivrer efficacement un maximum d’informations au lecteur : elles ont historiquement été conçues pour maximiser le nombre de clics sur les articles. Il faut bien rentabiliser le travail des journalistes ! Pour en savoir plus au-delà d’un titre accrocheur, il faudra donc souvent aller cliquer et se plonger dans un article de plus de 1500 signes. C’est très bien pour les curieux et il n’est pas tant question d’abandonner la complexité ou les articles longs. Mais on sait aussi qu’une part très faible de l’audience a le temps de creuser tous les sujets. Il a toujours été ainsi et il serait hypocrite de croire l’inverse.

Dès lors, on voit bien que les médias en ligne ratent une formidable opportunité de proposer une synthèse plus courte et efficace pour se « mettre à jour » sur l’actu du moment. Il s’agit d’informer mieux en peu de temps, et ce n’est pas un sale boulot. Comme nous le verrons, de nombreuses pistes existent mais semblent encore sous-exploitées. La notion de « brief » est récurrente, et l’essor des newsletters n’y est pas pour rien. Mais ne nous arrêtons pas là : pourquoi diable l’info synthétique devrait-elle être reléguée à nos boîtes mail ?

Les pistes

Des « briefs » éditorialisés par newsletter

Le format newsletter est le plus fréquemment utilisé pour les formats « brief » ou « catch-up ». De nombreuses info-lettres promettent un récap de l’actu quotidien, mais seules celles qui sont véritablement éditorialisées valent le coup d’oeil. Elles sont très écrites, souvent « incarnées », et permettent réellement de se mettre à jour en quelques minutes (sans avoir à cliquer sur dix liens).

On peut citer « The Morning » (anciennement « Morning Briefing ») du New York Times, ou encore Brief.me et Le Journal du Dimanche parmi les généralistes les plus efficaces. Au New York Times, ce rendez-vous quotidien est devenu ultra-stratégique : il touche plus de 17 millions d’inscrits et l’ambition est d’en faire un vrai produit incontournable, au même titre que le podcast « The Daily ». Côté sectoriel, Axios est également très bon.

Un brief plus visible sur les sites ou applications

Mais les newsletters ne correspondent pas à tous les usages : chacun sait que les boîtes mail sont pleines et peuvent être un environnement de lecture pénible.

Il semble intéressant qu’un format « brief » soit aussi accessible en version web. Bon nombre de newsletters pourraient être mutualisées et publiées sur le site web. C’est le cas de Brief.me, Axios ou The Morning. Chez Axios, la page est d’ailleurs légèrement différenciée des articles classiques, pour renforcer la notion d’édition et la lisibilité d’ensemble.

L’enjeu est aussi de les rendre accessibles : au NYT, c’est carrément le premier élément visible sur la page d’accueil web, en version desktop. Dans l’application de The Economist, le brief quotidien est aussi le tout premier élément visible, avec une jolie illustration qui évoque le rendez-vous papier. Voilà une belle réactualisation du vieux concept de journal, en (beaucoup) plus concis !

Un brief visuel

Les formats « brief » sont souvent très textuels, mais on peut imaginer une mise en scène beaucoup plus visuelle. Il est vrai que de nombreux internautes sont biberonnés à Instagram et Netflix et sont très sensibles à l’image.

C’est ce que fait très bien l’application norvégienne Peil, lancée par le vieux quotidien VG. Elle s’inspire du format omniprésent « Stories » avec des mini-histoires en images et une navigation simple. Faites glisser de haut en bas pour consulter les sujets du jour ; faites glisser de droite à gauche pour en savoir plus sur une histoire. Chaque sujet est traité en quelques « cards » et c’est très efficace.

Peil app 2

Le Figaro produit également un format matinal intitulé « Les 5 infos à connaitre ce matin », dans une mise en scène verticale permise par la technologie AMP-Story de Google.

Une page d’accueil plus directe

Les pages d’accueil sont évidemment clé : on se dirige assez naturellement vers elles lorsqu’on cherche une vision hiérarchisée de l’actu. Or pour faire gagner du temps aux internautes, les pages d’accueil pourraient être plus directes. Par exemple en intégrant des chapo sur la plupart des articles, afin de donner plus de profondeur d’information avant d’avoir à cliquer. Axios, le New York Times ou le Wall Street Journal le font, et à l’usage, ça change pas mal de choses !

Le site initial d’Axios est également allé plus loin en proposant une page d’accueil conçue comme un flux : les articles y étaient consultables directement, dans un format « dépliant » assez unique. Très pratique à l’usage, il a malheureusement été abandonné lors de la refonte du site en 2020 (plutôt pour des raisons de monétisation que d’expérience utilisateur…). On regrette fortement ce concept !

L’agrégateur Upday, pré-chargé sur les smartphones Android (et disponible sous le nom earliNews sur iOS), utilise aussi des résumés dépliants, éditorialisés par des journalistes.

Une page d’accueil plus éditorialisée

Et si on pousse le concept, pourquoi les pages d’accueil ne seraient pas conçues complètement comme un brief éditorialisé, plutôt que comme une liste d’articles froide et mal hiérarchisée ? Des premiers exemples sont visibles chez Quartz, qui a décidé d’utiliser son brief quotidien comme contenu principal de sa page d’accueil. C’est audacieux, mais surtout clair et efficace. De quoi booster les visites directes vers la page d’accueil.

Dans une version plus compacte, l’application de The Atlantic a aussi été repensée avec une homepage très « écrite », pensée comme une mini-édition quotidienne. Jusqu’aux petits détails : une introduction et une conclusion manuscrites, un onglet qui s’appelle « Today » plutôt que « Home » ou « News »…

Des journaux en podcast

Les journaux et autres flashs info issus de la radio sont aussi un bon rituel qui peut être consommé à la demande. La plupart des radios diffusent leurs journaux en version podcast, même si l’on sent que l’editing est parfois moins soigné que pour les émissions phares (pas toujours de sommaire visible). D’autres médias non issus de la radio se lancent aussi sur ce créneau, comme Hugo Décrypte.

Au-delà du traditionnel journal, de multiples formats sont possibles : Radio France a lancé récemment un podcast natif quotidien, volontairement court (« Le Quart d’heure »), qui fait le choix d’aborder trois sujets uniquement.

Des « récaps » en vidéo

Les médias télévisés ont aussi l’habitude de produire des JT même si leur format les rend assez peu adapté à une consommation numérique. Cependant, certains sites d’information ont adapté les codes des JT pour les nouveaux usages, à l’instar de BBC News qui propose un flash vidéo très court (1 minute), mis à jour en continu et assez visible dans son application.

L’application mobile de Reuters va plus loin et propose un journal personnalisé qui s’adapte aux intérêts de l’utilisateur et compose une playlist de mini-séquences vidéo, avec un sommaire et une voix off digne d’un véritable JT.

Résumer l’actu sur les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux peuvent aussi être un terrain de jeu intéressant, à condition d’être prêt à diffuser gratuitement des contenus substantiels. Depuis quelques années, certains médias créent ainsi des mini-éditions sur Snapchat Discover, qui peuvent s’apparenter à des JT verticaux, à l’instar du Monde.

Des médias comme NBC News (sur Snapchat) ont aussi tenté le concept, jusqu’à faire intervenir des journalistes plutôt habitués des plateaux. BFMTV a aussi testé le concept sur Facebook Live avec le journaliste Bruce Toussaint (même si le format vertical semble avoir été abandonné en cours de route).

Instagram peut aussi se prêter à ce genre de narration grâce au format Story. La BBC ou le New York Times le pratiquent quasiment tous les jours, même si les formats manquent parfois de régularité et de constance.


Cet article fait partie de la série : « 5 besoins auxquels les médias en ligne pourraient mieux répondre ».

Maxime Loisel
Maxime Loisel
Fondateur de HyperNews. Consultant indépendant en stratégie et design pour les médias en ligne. Ce blog n’engage que moi.
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