29 mai 2023

Interview avec The Washington Post : « Nous repensons notre taxonomie pour classer plus stratégiquement nos contenus »

Interview avec The Washington Post : « Nous repensons notre taxonomie pour classer plus stratégiquement nos contenus »

Le Washington Post a récemment constitué une équipe de trois personnes afin de structurer et développer sa taxonomie éditoriale. Avec une ambition : mieux organiser son énorme volume de contenus et décupler ses opportunités d’innovation.



Ça veut dire quoi concrètement ? J’ai pu en discuter lors d’un interview croisée avec plusieurs membres de l’équipe : Aline Martinez (responsable de la taxonomie), Taylor Hood (analyste des métadonnées), Emily Clough (rédactrice en chef des produits), et Charity Brown (directrice adjointe des produits d'information).

HyperNews : Vous avez récemment créé un nouveau système de taxonomie pour les contenus du Washington Post. Qu'est-ce que cela signifie dans les grandes lignes et quel est l'objectif ?

Emily Clough : L'objectif global de ce projet est de construire, catégoriser et classer stratégiquement les contenus du Washington Post, puis d'exploiter cette taxonomie pour des usages opérationnels ou d’innovation. Nous avions besoin d'un système dynamique qui traduit la diversité de nos contenus. Grâce à ce système, nos articles sont désormais catégorisés de manière à en faciliter l'accès, le « packaging » et l'analyse.

Aline Martinez : Comment procédons-nous ? Nous avons d’abord commencé ce projet avec une approche « macro », en dressant un état des lieux de tous nos contenus puis en construisant la taxonomie. Les journalistes de la rédaction nous aident à affiner et développer la structure de la taxonomie pour répondre à leurs besoins concrets. Notre taxonomie doit se développer de façon cohérente avec la couverture éditoriale de la rédaction. Par conséquent, nous travaillons étroitement avec la rédaction pour définir comment et où l'étendre.

Toutes les rédactions numériques utilisent des tags pour catégoriser leurs contenus. Qu'est-ce qui ne convenait pas dans votre ancienne approche et en quoi ce nouveau système est-il différent ?

Emily Clough : Notre ancienne approche consistait à classer les contenus à la façon du journal papier. Par exemple, avec le système précédent, un article sur l'avortement était classé dans la rubrique "Santé", qui est elle-même une sous-section de la rubrique "National". La rédaction ajoutait ensuite des metadonnées supplémentaires pour classer l’article.

Le problème est que nos lecteurs numériques ne trouvent pas et ne consomment pas les informations de cette manière et que nos champs de métadonnées étaient cloisonnés en silos. Cela rendait notre contenu difficile à parcourir.

Taylor Hood : Avec notre nouveau système, nous avons standardisé des termes universels pour l'ensemble de la rédaction et créé un système de tags exhaustif. Les objectifs et les besoins de ces tags sont définis et ont un impact sur de multiples plateformes et outils.

Une fois que vous avez catégorisé votre contenu avec cette myriade de métadonnées, quelles sont les applications concrètes ? Avez-vous l'ambition de personnaliser les contenus dans vos produits numériques, ou d’afficher les contenus d'une nouvelle manière ?

Taylor Hood : Nous utilisons désormais ces tags thématiques pour recueillir des informations précieuses et exploitables sur notre contenu. Nous améliorons aussi nos outils de curation afin d’aider la rédaction à organiser et à « packager » notre journalisme. Nous voulons par exemple nous assurer que nous fournissons à nos lecteurs des informations suffisamment pertinentes et contextualisées pour qu'ils puissent se tenir au courant du monde qui les entoure.

Au fur et à mesure que nous développons notre taxonomie, nous identifions d’autres opportunités de l'utiliser, comme la personnalisation et l'amélioration des recommandations de lecture.

Le Washington Post développe ses mécaniques de recommandation éditoriale, dans son application mobile (à gauche) ou sur son site web (à droite).

Quel type de nouvelles métadonnées est appliqué à votre contenu aujourd'hui ? Pourriez-vous nous donner quelques exemples concrets ?

Aline Martinez : Notre objectif est de décrire le sujet principal de chaque contenu à l'aide d'un ensemble de termes standardisés mis à la disposition de la rédaction. Ces « tags thématiques » sont notamment basés sur le sujet de l'article plutôt que sur la section à laquelle cet article appartient. Ils couvrent des sujets aussi granulaires que « les pensions de retraite » et aussi vastes que « l’économie ».

Comment fonctionne le taggage dans votre CMS ? Est-il automatisé grâce à des algorithmes afin de faire gagner du temps aux éditeurs ?

Emily Clough : Pour le taggage, nous adoptons une approche hybride afin de rationaliser les flux de travail, tout en nous assurant que les meilleurs tags sont associés à chaque article. Nous utilisons de l’automatisation mais nous demandons également à notre rédaction de contribuer pour s'assurer que nous corrigeons les erreurs et que nous identifions les zones d'amélioration. L’idée est que les tags apparaissent sur les bons articles et que notre taxonomie reste fluide et pertinente.

Pour l'instant, nous nous concentrons sur nos contenus textuels. À l'avenir, nous étendrons notre champ d'action au journalisme visuel et à l’audio. Nous voulons nous assurer que la valeur ajoutée de ce système bénéficie à l'ensemble de nos contenus et de notre couverture éditoriale.

Aline Martinez : Nous suivons également les évolutions technologiques, notamment dans le domaine de l'intelligence artificielle, du « knowledge management », ou de la datavisualisation. Il existe des possibilités ambitieuses d’amélioration que nous sommes impatients de voir se concrétiser.

Comment êtes-vous organisés pour mettre en œuvre cette vision ? Vous avez récemment créé deux postes liés à ce nouveau système. Quelle est leur mission ?

Charity Brown : Oui, nous avons créé deux postes l’an dernier et nous y avons récemment ajouté un troisième car l’initiative prend de l’ampleur.

Dans le détail, nous avons un « responsable de la taxonomie » qui détermine la manière dont nous structurons et développons notre terminologie. L’« analyste des métadonnées » analyse les usages de la rédaction et l'intérêt des lecteurs. Le « rédactrice en chef des produits » se concentre sur les impacts et le « workflow » au sein de la rédaction, tandis que notre directrice adjointe des produits supervise l’initiative. Cette structure nous convient parfaitement et permet à chaque membre de se concentrer sur un élément essentiel du projet.

L’équipe est entièrement intégrée à la rédaction afin de rester proche des créateurs de contenu. Nous sommes régulièrement en lien avec les rédacteurs en chef et les journalistes pour nous assurer que nous construisons une taxonomie qui fonctionne. Nous travaillons aussi en partenariat avec les services en charge de la technique, la publicité ou les études « analytics ».

Maxime Loisel
Maxime Loisel
Fondateur de HyperNews. Consultant indépendant en stratégie et design pour les médias en ligne. Ce blog n’engage que moi.
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