10 déc. 2021

Grand entretien avec Jay Rosen : « Les manuels de journalisme ne sont plus adaptés face à Trump ou Zemmour »

Grand entretien avec Jay Rosen : « Les manuels de journalisme ne sont plus adaptés face à Trump ou Zemmour »

Professeur à la New York University (NYU), il est l'un des observateurs les plus affûtés du journalisme américain. Avec un regard toujours critique sur l'éthique et la culture journalistique, qui peinerait à se renouveler face à la défiance des citoyens et les assauts des populistes.

Alors que la campagne présidentielle bat son plein en France, Jay Rosen nous livre son diagnostic et ses conseils à destination des médias français. Il y sera notamment question de fact-checking, d'objectivité journalistique et de concepts stimulants comme celui de « citizens agenda ».


Nous sommes en France au beau milieu d'une campagne présidentielle, dans un climat politique et médiatique assez inédit. Certains évoquent le parallèle avec les États-Unis et notamment la campagne de 2016 où Donald Trump s'était imposé en instrumentalisant le système médiatique. Vous avez été particulièrement critique envers le journalisme politique américain pendant cette période. Comment résumeriez-vous vos critiques ?

Jay Rosen : Tout d'abord, il faut rappeler que les pratiques de la presse américaine reposent sur certains postulats de base, notamment sur le comportement des personnalités politiques. Quand une personnalité comme Donald Trump ou Eric Zemmour arrive et rompt toutes les attentes habituelles, cela devient un problème pour les journalistes parce qu'ils ne sont pas très doués pour modifier leurs pratiques installées depuis des décennies. Ce n'est pas tant qu'ils ignorent ou n'écoutent pas les critiques mais plutôt que la culture journalistique favorise le mimétisme, la pensée de groupe. En anglais on parle de « pack journalism ».  

Il y a aussi le fait que la couverture des sujets politiques se fait de manière très routinière et consensuelle. Les journalistes ont besoin de ce consensus car il faut bien des normes communément admises pour pouvoir travailler efficacement en équipe. Et bien sûr il y a la difficulté de savoir, si le système actuel ne fonctionne pas, ce qu’on peut faire à la place. C'est une question très difficile, surtout en matière de couverture politique et électorale.

« Trump a brisé le postulat selon lequel une couverture médiatique négative dessert les candidats. »

Prenez par exemple le fact-checking. C'est un registre historiquement central dans le journalisme américain, qui était censé être une sorte d'avertissement aux politiciens. Les médias "débunkent" une fausse déclaration dans l'espoir qu'ils arrêtent de le dire ou qu'ils amendent leur propos. C'est ainsi que le fact-checking a fonctionné jusqu'à Trump, et ses 30 000 mensonges et déclarations trompeuses, que le Washington Post avait recensé. 30 000 ! A l'évidence, la vérification des faits ne fonctionne plus comme autrefois car le postulat sous-jacent était que les politiciens seraient honteux et qu'ils modifieraient leur comportement. Mais Trump a rabattu les cartes : plus la presse le critiquait, plus il lui était facile de dire à ses électeurs à quel point les médias étaient biaisés. Il faut bien comprendre que cette accusation envers les médias était centrale dans la construction de sa popularité. Trump, en tant que candidat et président, n'a obéi à aucune des habitudes journalistiques.

Selon vous, quelle voie alternative aurait dû prendre la presse américaine pour couvrir la candidature et la présidence de Donald Trump ?

Tout d'abord, la presse aurait pu reconnaître que c'était une personnalité politique différente de tout ce qu'on a connu auparavant. Et donc que la boîte à outils journalistique n'était pas adaptée. Il fallait être plus radicalement ouvert au changement des pratiques. Surtout, les médias auraient dû clarifier ce qu'ils défendent, ce pour quoi ils se battent. D'une certaine manière, les journalistes doivent être au clair avec leur propre « agenda ». A mon sens, cet agenda n'est pas politique mais il doit être de défendre et protéger les principes démocratiques. La mission des médias ne doit pas être de soutenir tel ou tel candidat mais d'être « pro-vérité », de défendre les faits, les preuves, la quête de la vérité, la démocratie.

Une fois qu'on a dit cela, les journalistes me disent : « OK mais qu'est-ce que cela signifie pour mon quotidien ? » Honnêtement je n'ai pas forcément la réponse, je n'ai pas suffisamment de proximité opérationnelle pour leur dire comment faire leur travail. Cela peut être un peu frustrant d'ailleurs.

On sait que la défiance envers les institutions et les médias ne fait que croître. Comment défendre une vision « pro-vérité » alors qu’une bonne partie du public ne croit plus les médias et les évite ?

C'est vrai, il s'agit d'un énorme problème. Et il n'y a pas de solution unique. Cela rend la tâche encore plus difficile pour les journalistes. Même si la couverture médiatique s'améliorait, elle n'atteindrait pas cette partie de l'électorat américain à qui on a appris à rejeter les médias traditionnels par principe.

Un autre postulat que Trump a brisé, c’est qu’on pensait auparavant qu’une couverture médiatique négative desservait les candidats. Par conséquent, les politiciens essaieraient d'éviter cela s'ils le pouvaient. Mais cela ne fonctionne pas ainsi pour Trump. Une couverture médiatique négative ajoute en fait du carburant à son mouvement. C’est donc un problème non seulement pour les journalistes, mais aussi pour les observateurs critiques qui demandent constamment une couverture toujours plus critique, n'est-ce pas ?

Cependant, il existe des pistes, notamment en période électorale. Je parle souvent de l'approche du « citizens agenda » (agenda citoyen) où l'on cherche d'abord à avoir une très bonne compréhension de ce qui intéresse les électeurs pendant la campagne, afin de mettre ces priorités à l’agenda médiatique.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette idée d'agenda citoyen ?

Si les journalistes n'ont pas une meilleure compréhension de ce qui préoccupe les gens, alors ils n'ont rien pour combattre les méthodes de Trump. Les journalistes doivent être plus affûtés que les démagogues.

« Les journalistes doivent être en mesure de développer une compréhension des priorités des électeurs supérieure à celle des politiques »

Pour savoir ce qui compte vraiment pour les électeurs, la seule façon est de leur demander de nombreuses manières différentes. En sachant que certains des outils habituels comme les sondages d'opinion ne fonctionnent plus aussi bien qu'autrefois car nous sommes confrontés à de nouvelles limites de toutes sortes, du moins aux États-Unis. On l'a aussi vu en Italie il y a quelques années, par exemple, mais c'est assez nouveau pour les États-Unis.

Pour ce faire, les journalistes doivent être en mesure de développer une compréhension des priorités des électeurs supérieure à celle des politiques.

Quand vous parlez d'agenda citoyen, vous ne pensez donc pas aux sondages traditionnels, mais plutôt à des initiatives participatives menées par les médias ?

Tout à fait. Cela peut passer par des enquêtes auprès des lecteurs, par le simple fait de parler avec des gens, par des événements où les gens peuvent s'exprimer... C'est en gros « appelez-nous, écrivez-nous, envoyez-nous un fax, une carte postale, un message vocal ». Toutes les méthodes que vous pouvez trouver pour obtenir des réponses.

Ce qu'il faut demander aux gens c'est « De quoi voulez-vous que les candidats parlent ? Quelles sont vos priorités ? ». Cela implique de moins couvrir les campagnes sous le prisme des stratagèmes, de la politique politicienne et de la « course de petits chevaux ».

Mais tout cela nécessite beaucoup de travail. Il faut parler au plus grand nombre de personnes possible, obtenir autant de réponses que possible. Et puis, vous devez ensuite synthétiser tout cela. Il y a là un vrai choix éditorial, pour extraire une liste de priorités thématiques, ce que j'appelle un agenda. Ensuite, vous pouvez utiliser la puissance de cet agenda citoyen au quotidien pour lutter contre les mensonges et la propagande politique.

Cette approche semble être une façon d'être plus en phase avec la société, avec l'intérêt général. Mais si un média demande à ses lecteurs ce qu'ils pensent, est-ce vraiment représentatif de l'électorat dans son ensemble ? De plus en plus de médias sont incités à parler uniquement à leur frange de lecteurs, à leur dire ce qu'ils veulent entendre. Que répondez-vous à cette éventuelle critique ?

La première étape indispensable consiste à identifier le groupe de personnes que vous essayez d'informer.  En règle générale, plus vous ferez l’effort de répondre à cette question, meilleur sera votre journalisme. Mais c'est peut-être bien l'étape la plus difficile : être honnête avec vous-même pour savoir à qui vous essayez de rendre service.

On peut avoir une vision très étroite, par exemple « voici ce que les lecteurs du Monde pensent ». Mais Le Monde peut également vouloir élargir sa perspective et s'intéresser aux classes populaires par exemple. C'est une décision à prendre.

Et bien sûr, ma méthode n'est pas parfaite. Elle n'est pas totalement représentative, mais elle a le mérite d'empêcher les journalistes d'être aspirés dans ce cycle infernal où vous couvrez des choses qui sont propagandistes dans leur intention, tout ça parce qu'elles semblent influencer la course de petits chevaux électorale. Si vous êtes aspirés de cette façon, vous perdez très rapidement le contrôle de votre agenda éditorial.

Certains journalistes pensent que le journalisme participatif peut être un gadget décevant, surtout quand on demande aux gens ce qu'ils veulent. Tout simplement parce que le citoyen lambda ne réfléchit pas comme un journaliste et n'a pas forcément des idées très articulées. Comment obtenir des « feedbacks » intéressants et exploitables ?

Ce que vous dites est très vrai lorsque vous demandez aux gens de réfléchir avec une grille de lecture journalistique, par exemple quand on leur demande leurs idées d'articles. Les gens n'ont pas d’idées d'articles, ils ne raisonnent pas en termes d'angles, comme le ferait un journaliste.

Donc plus vous leur demandez cela, moins leurs réponses sont fiables. A l'inverse, je ne crois pas que demander « De quoi voulez-vous que les candidats parlent lors de cette campagne électorale » soit une question journalistico-centrée. C'est une question très ouverte, qui touche à la vie des gens. Cela dit, impliquer les lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs est toujours difficile. C'est beaucoup plus facile de supposer que les gens sont vaguement là quelque part, sans les connaître, et de se contenter des sondages d'opinion pour commenter ce qui se passe [dans la société].

Il faut donc que les journalistes adhèrent à une alternative qui donne de meilleurs résultats. Et beaucoup de journalistes ne sont pas convaincus de cela. Ceux qui gravitent autour du journalisme politique sont souvent plus intéressés par les personnalités [politiques], les soubresauts de campagne, les stratégies et les professionnels de l'ombre comme les spin doctors. Sauf que les journalistes politiques finissent souvent par s'identifier à ce milieu, plutôt que de connaître les lecteurs, et cela fait partie du problème.

Pourriez-vous nous donner quelques exemples de couverture de type « agenda citoyen » ?

Bien sûr, j’ai un certain nombre d’exemples, qui émanent souvent de médias locaux.

Le jeune site d’information irlandais Dublin Inquirer l’a par exemple fait très bien pour les élections municipales en 2019, en interrogeant les lecteurs via un formulaire participatif puis en traitant leurs priorités dans des articles. Ils ont également interrogé les candidats sur les questions plébiscitées par les lecteurs.

On peut citer aussi la radio WBEZ basée à Chicago, le  média canadien The Tyee, ou encore un des journalistes du Los Angeles Times qui avait lancé une démarche participative pour l’élection présidentielle de 2020.

« L'objectivité journalistique équivaut trop souvent à un faux équilibre »

Que pensez-vous de l'idée d'objectivité dans le journalisme politique ? Je sais que vous êtes parlez beaucoup de "both-sides-ism", cette idée selon laquelle les journalistes pratiqueraient une neutralité excessive qui tend à normaliser des déclarations fausses ou scandaleuses. Où en est-on sur cette question de l'objectivité journalistique, face à des personnalités hors normes comme Trump ou Zemmour ? Faut-il abandonner cette posture de toute façon impossible à tenir ?

J'ai beaucoup écrit sur cette question donc je vais essayer de ne pas faire une réponse trop simpliste. Derrière l’idée d'objectivité, je pense qu'il y a des choses très bonnes et importantes. Si l'objectivité signifie essayer de dépasser votre propre condition [en tant que journaliste] pour comprendre le monde qui vous entoure, alors oui, nous avons besoin de plus de cela. Si cela signifie se confronter au maximum à des preuves, des faits, nous en avons également besoin.

Mais ce qui se passe généralement dans le journalisme politique, c'est que l'objectivité devient un énorme problème lorsque la propagande prend le dessus sur le système. L'objectivité tend à devenir "voici ce que les gens d’un côté ont dit, et voici ce que dit l'autre côté". Ce qui est parfois une sorte de faux équilibre où vous essayez simplement de rester au milieu de ce que vous percevez comme des extrêmes. Pour moi, ce type de couverture éditoriale n'est ni efficace, ni utile, et il est de plus en plus manipulé par les acteurs du système.

Pensez-vous donc que les médias devraient assumer davantage leurs biais ou leur ligne éditoriale, dire davantage "d'où ils parlent" ?

Plus généralement, je crois qu'avec le temps, une autre façon de créer de la confiance s'imposera. Cela se produit lentement et peut prendre des décennies. On ne dira plus « Vous devez nous faire confiance parce que nous sommes la BBC, nous sommes impartiaux et nous n'avons pas d'agenda, pas de parti pris ».

La nouvelle approche sera plutôt de ne pas prétendre être totalement neutres, de ne pas faire semblant d’être totalement impartiaux, et d’assumer « qui nous sommes et d'où nous venons ». Les médias diront aussi « ne nous croyez pas sur parole et cherchez par vous-mêmes, voici les données, voici les preuves à votre disposition ». Et j'ajouterais aussi qu’il faut plus de transparence sur la façon dont les médias sont financés, leur modèle économique, et bien sûr une capacité à répondre aux critiques.

Je pense qu'un système de confiance fondé sur ces différentes formes de transparence commencera à démontrer ses avantages au fil du temps. Je ne crois pas que l'impartialité ou l'objectivité disparaîtront, mais elle prendront un sens différent.

« Notre système médiatique n'est pas conçu pour faciliter la compréhension du public »

Revenons sur le fact-checking. Comment les médias doivent-ils le pratiquer aujourd'hui ? De nombreuses études ont montré que le fact-checking est assez inefficace pour endiguer les fausses nouvelles. Une part croissante de la population se renferme sur ses propres opinions, sur sa propre communauté de pensée. Le fact-checking a-t-il encore un sens ?

Je n'ai pas de réponse parfaite à cela. Mais je dirais que le fact-checking, dans sa forme traditionnelle, a été rendu caduc par Trump et ses 30 000 mensonges. Nous devons affronter la réalité de ce que Steve Bannon, son conseiller, a théorisé [dans une déclaration restée célèbre]. Il a déclaré que les démocrates n'ont pas vraiment d'importance, que son véritable adversaire sont les médias, et que la bonne stratégie est de "flood the zone with shit" ["les inonder de merde"].

C'est une déclaration très importante selon laquelle, en d'autres termes, il faut combattre les médias pour gagner l'élection. Donc la méthode consiste à injecter le plus possible d'informations dans la sphère publique, en partie vraies, en partie fausses, en partie entre les deux, et de submerger le système de controverses. Si bien que les gens renoncent à essayer de faire sens du monde, mais c'est l'objectif de ce type de propagande. Les Russes font la même chose avec leur « firehose of propaganda » [littéralement « lance à propagande »]. Ils submergent d'informations incroyables et contradictoires plutôt que d'essayer de persuader les gens que Poutine est un bon gars.

Ce n'est pas nouveau, l'Allemagne nazie l'a fait aussi, il y a des parallèles historiques. Mais les outils dont dispose Steve Bannon pour « inonder la zone de merde » sont tellement plus puissants aujourd'hui, notamment avec les médias algorithmiques comme Facebook. Je ne sais donc pas comment sauver le fact-checking. Je sais juste que nous vivons dans un monde différent. Et les fact-checkeurs doivent le reconnaître.

Pensez-vous qu'il y a un problème de volume et de rythme général dans l'écosystème médiatique ? Les citoyens semblent de plus en plus assommés par le cycle continu d'Internet mais aussi des chaînes d'information en continu.

C’est un autre problème majeur auquel les médias ne réfléchissent pas beaucoup. Notre système médiatique n'est pas conçu pour faciliter la compréhension du public. Il est conçu pour produire du contenu. C'est ainsi que les journalistes voient leur travail : produire des nouveaux contenus, du contenu quotidien, pour vous « tenir à jour ». S'ils considéraient vraiment que leur mission était de favoriser la bonne compréhension du public, alors ce problème de surcharge d'information serait extrêmement discuté.

Résultat : les Américains ne savent même pas vraiment ce qu'il y a dans ce grand plan de relance que le Congrès américain est en train d'adopter [et que tous les médias ont pourtant beaucoup traité sous le prisme de la controverse politicienne]. Ils ne savent pas vraiment ce que la loi en cours d'adoption va changer pour eux. Une bonne partie de nos journalistes ne voit pas cela comme sa responsabilité.

« Nos journalistes ont intériorisé la critique permanente qui leur est faite, selon laquelle ils sont biaisés »

Avez-vous l'impression que les journalistes sont sensibles à toutes ces critiques, que vous développez publiquement depuis de nombreuses années ?

Hmm, non pas tellement. Certains concepts critiques comme "false balance" et "bothsidesism" se sont tout de même propagés peu à peu chez les journalistes. Je pense qu'il y a maintenant une plus grande prise de conscience de ce genre de choses. Mais quand il s'agit de changer les routines [professionnelles], c'est une autre affaire. Quand vous lisez des études sociologiques sur les rédactions, elles font toujours remarquer que le journalisme repose sur des routines. Le journalisme s'est construit ainsi parce que les équipes doivent trouver une façon de produire du contenu à un rythme très soutenu. Donc les vrais changements devraient se faire dans les routines, et c'est difficile. C'est vraiment lent, mais ce n'est pas impossible.

Prenons un exemple : aux États-Unis, nous sommes confrontés à une situation folle où nous avons des fusillades de masse tout le temps. Pendant longtemps, les militants et les universitaires ont accusé les médias de glorifier ces gens qui tuent dans les écoles. Année après année, cette critique est devenue récurrente et cela a pris environ dix ans pour que les médias absorbent cela. Aujourd'hui, ils ne donnent plus autant de publicité aux tireurs de masse, beaucoup moins qu'autrefois. C'est donc un bon exemple parce que c'était une mauvaise routine, qui a dû être repensée. Il a fallu beaucoup de temps aux journalistes pour accepter de faire les choses différemment. Mais ils l'ont fait, donc cela peut arriver.

C'est tout de suite plus compliqué sur des questions clivantes comme les élections, du moins aux Etats-Unis. Car nos journalistes ont intériorisé la critique permanente qui leur est faite selon laquelle ils sont biaisés, et cela finit par régir leurs comportements. Je dis souvent que les journalistes sont dans une "quête de refuge" ["refuge-seeking"]. Ils cherchent à se mettre à l'abri des accusations de biais. Je pense qu'il y a beaucoup ce comportement dans le journalisme politique actuel, que j'oppose à la "quête de vérité" ["truth-seeking"]. Dans ce cas là, vous ne vous souciez pas tellement des critiques, vous cherchez juste à dire les choses telles qu'elles sont [au plus proche de la vérité]. C’est très difficile d’amener les journalistes dans cette direction.

Quel conseil donneriez-vous aux journalistes français dans la perspective de l'élection présidentielle ? La polarisation politique est moins forte ici qu'aux Etats-Unis et le niveau de confiance dans les médias reste un peu plus élevé. Mais la situation s'est dégradée rapidement au cours des dernières décennies. Que peuvent faire les médias pour ne pas continuer sur cette pente glissante ?

Mon conseil est simple, c’est de réinterroger ce que vous avez appris dans vos manuels de journalisme. Votre manuel ne contient probablement aucune page sur la façon de couvrir un Eric Zemmour. Une fois que vous vous en rendez compte, que vous acceptez cela et que vous confrontez cette réalité, alors les choses deviennent un peu plus ouvertes et fluides.

Je pense que quelque chose de positif pourrait surgir [de cette remise en cause].


Suivez Jay Rosen sur Twitter et sur son blog PressThink.

Vous trouverez des ressources dédiées sur le concept de « citizens agenda » sur ce mini-site.

Maxime Loisel
Maxime Loisel
Fondateur de HyperNews. Consultant indépendant en stratégie et design pour les médias en ligne. Ce blog n’engage que moi.
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